Polar, thriller, roman noir...

Étiquette : policier

Les enfants de Lazare, Nicolas Zeimet

Résumé de l’éditeur

« Je m’appelle Agathe, avait-elle annoncé avant de s’asseoir sur une machine. Je suis la chanteuse des laveries… ». Tout commence quand Pierre Sanak, journaliste reporter d’images à France Télévisions, croise par hasard cette jeune artiste un peu fantasque et très énigmatique. D’origine cambodgienne, Agathe a été adoptée, vit à Paris, ne se sépare jamais de sa guitare et semble errer entre plusieurs mondes… Pierre en tombe immédiatement amoureux. Apprenant en conférence de rédaction l’incroyable nouvelle de la résurrection momentanée de Sokhom, un jeune Cambodgien qui aurait vécu une expérience de mort imminente, Pierre ne peut s’empêcher de tisser un lien ténu avec l’histoire d’Agathe… Le journaliste s’envole aussitôt pour une semaine de folles investigations à Siem Reap et dans la jungle d’Angkor où, bien après le génocide, le tourisme des orphelinats semble perdurer. Une dangereuse course contre la montre s’engage alors. Pierre parviendra-t-il à découvrir le secret d’Agathe ?

Imaginez des villages d’un autre temps noyés dans l’eau stagnante, une marmite dantesque où des enfants au sourires charmeurs se disputeraient un folklore de carte postale avec les éléphants et où des touristes perchés en haut de montagnes de grès sculpté poseraient  aux côtés de lions imposants et de créatures mi-hommes mi-serpent.

Mon avis

Si vous n’avez pas envie de visiter le Cambodge après avoir lu ce roman, c’est que vous avez sauté pas mal de pages. Si vous n’avez pas encore compris comment fonctionne l’adoption internationale dans certains pays asiatiques, notamment au Cambodge, c’est que vous avez sauté quelques pages supplémentaires, voire les mêmes. Autrement dit, c’est que vous avez totalement loupé ce grand roman !
On s’attache à Pierre, à Agathe, et on le suit au Cambodge où l’enquête qu’il mène colle au plus près la réalité.
Nicolas Zeimet signe ici LE roman de l’année 2018 pour les éditions Jigal. Tout simplement.
Il ficelle une intrigue digne des plus grands, avec du suspense, de l’action ; il colle à l’actualité.

Nicolas Zeimet possède une écriture fluide et un style très clair, totalement au service de l’intrigue, qui rendent son roman particulièrement agréable à lire.

Agathe avait vécu avec la mort, cette compagne inéluctable, pendant la majeure partie de sa vie. À la fin, elle s’était résolue à  la rejoindre.

Nicolas Zeimet a reçu le Prix Dora-Suarez 2018 pour son roman précédent : Retour à Duncan’s Creek.

Les enfants de Lazare, Nicolas Zeimet, Jigal Polar, 296 pages, 19 €

Le festin de l’aube, Janis Otsiemi

Résumé de l’éditeur

Le festin de l'aube, Janis Otsiemi

Flics et gendarmes doivent s’épauler pour tenter de déjouer la conspiration.

En pleine nuit et sous une pluie tropicale, une femme surgie de nulle part vient se jeter sous les roues de la voiture du lieutenant Boukinda. Bouleversé par ce tragique accident, il veut savoir d’où sort cette inconnue, d’autant que son décès semble plutôt suspect…

Au même moment, à quelques kilomètres de là, plusieurs individus pénètrent dans un camp militaire et s’emparent de nombreuses armes et d’un stock d’explosifs. Plus tard, c’est dans une ville en ébullition, gangrénée par la violence et la pauvreté, qu’un braquage sanglant transforme le quartier en zone de guerre… Les forces de sécurité, en alerte maximum, sont à la recherche de truands visiblement déterminés. Et c’est tout à fait par hasard que ces deux affaires, apparemment sans aucun rapport, vont se télescoper et révéler un terrible complot… Sur fond de haine, de repli identitaire et de crise électorale, flics et gendarmes vont alors devoir s’épauler pour tenter de déjouer cette conspiration…

L’auteur

Janis Otsiemi est né en 1976 à Franceville au Gabon. Il vit et travaille à Libreville. Il a publié plusieurs romans, poèmes et essais au Gabon où il a reçu en 2001 le Prix du Premier Roman gabonais.

 

Mon avis

Une nouvelle fois, Janis Otsiemi délocalise le roman policier au Gabon. Entremêlant les enquêtes des policiers et des gendarmes, il développe une intrigue complexe sur fond de crise politique. L’Afrique est là, dans ce roman dynamique, la francophonie est aussi bien là. Et c’est un bonheur de lire ce français « d’ailleurs » si riche.

Janis Otsiemi est un auteur à suivre. Ses nombreux romans montrent un écrivain puissant qui, au fil de son écriture, explore les limites et les fractures de la société gabonaise.

 

Note bene: Pour les curieux de la francophonie, il existe un petit livre, Casse-moi l’os (Le livre de poche, 2017, 5,30 €), qui passe en revue 180 expressions que l’on utilise du Cameroun au Québec, d’Haïti au Luxembourg, en passant par la Suisse, la Belgique, la France, la Côte-d’Ivoire et les Antilles.

Roma, Mirko Zilahy

Roma, de Mirkho Zilahy, aux Presses de la Cité.

Roma, de Mirkho Zilahy, aux Presses de la Cité.

Résumé : Pluie sur Rome, torrents de boue le long du Tibre. Loin des monuments qui font sa renommée, au milieu d’un terrain vague, la ville dévoile au petit jour un corps atrocement mutilé… Un crime aussi barbare, seul le commissaire Mancini peut l’élucider. Cependant, ce profiler formé aux méthodes de Quantico n’a plus la tête aux assassinats : endeuillé par la mort de sa femme, Mancini a sombré dans l’alcool et supporte de moins en moins le monde extérieur. De plus, il a déjà un dossier en cours : la disparition inquiétante d’un oncologue réputé, celui-là même qui avait tenté en vain de sauver son épouse. Mais bientôt apparaissent d’autres corps suppliciés. Mancini n’a plus le choix. Épaulé par une équipe d’élite basée dans un ancien bunker, le flic brisé se laisse happer par une enquête qui le rapproche inexorablement de ses fantômes.

Mon avis : Avec Roma, Mirko Zilahy frappe un grand coup dans le monde du thriller. De facture plutôt classique, ce roman déroule une intrigue sans faille. Un commissaire torturé y mène une enquête qui le confronte face à sa propre histoire.

À ne pas manquer !

Presses de la Cité, « Sang d’encre », 432 pages, 21,90€

 

Trafics mortels, Pierre Pouchairet

En France et à l’étranger, Pierre Pouchairet a vécu les procédures, les ambiances et les «milieux» qui inspirent ses romans. Dans ses livres, éclate une vérité qui dépasse l’imagination, la vérité d’une vie engagée…

Pierre Pouchairet vient de recevoir le 68e prix du Quai des Orfèvres, décerné chaque année par un jury composé de policiers, de magistrats, d’avocats, de journalistes et d’un réalisateur.

Chaque année, ce prix est attribué à un roman anonyme.

Son roman, Mortels trafics, est publié par les éditions Fayard.p pouchairet prophetie

À croire qu’il est plus important d’intercepter des « go fast » de cannabis que d’arrêter des tueurs…

Si la marchandise est perdue, rien ne vous protègera plus, même pas les barreaux d’une prison…

Une rumeur assassine s’en prend à l’innocence d’une famille.

La violence des trafics mobilise Stups et Crim’ au-delà des frontières, dans le secret d’enquêtes mettant à l’honneur des tempéraments policiers percutants, parfois rebelles, toujours passionnés.

Ce n’est pas pour rien que Pierre Pouchairet a reçu le Prix du Quai des Orfèvres 2017 avec Mortels trafics. Il s’inscrit en effet dans l’esprit des fondateurs de ce prix prestigieux.

L’action, le suspense et les personnages rendent ce roman indispensable en cette fin d’année. Plus dynamique que jamais encore, Pierre Pouchairet ne laisse pas une minute de repos au lecteur (ni à ses personnages d’ailleurs, même s’ils subissent quelques heures de planque bien ennuyeuses). Au final, ce roman mené comme un « go fast » laisse espérer des retrouvailles avec ces nouveaux personnages.

L’expérience du terrain au service de l’écriture. Rencontre avec Pierre Pouchairet

Pierre Pouchairet est un ancien commandant de la Police Nationale qui a bourlingué en Afghanistan et les pays d’Asie Centrale. Il trouve son inspiration pour ses romans dans la géopolitique.
Quel est votre parcours jusqu’à l’écriture ?
Pierre Pouchairet

« C’est toute cette expérience professionnelle qui me permet d’illustrer mes livres. »

Si vous voulez parler de mon parcours professionnel en tant que policier, j’ai commencé comme inspecteur de police en 1981, affecté à la Police judiciaire de Versailles, au groupe criminel. Rien de plus formateur au niveau de la procédure et des techniques d’enquête. Ensuite j’ai continué, toujours en PJ, à Nice, une antenne de Marseille. Cette fois, dans un groupe chargé de la lutte contre le trafic de drogue. J’y suis resté douze ans. Des années particulièrement riches. Le Sud c’est le paradis pour un jeune flic qui a envie de bosser et les Stups c’est tout le contraire de la criminelle. La crime, on attend dans son bureau que le téléphone sonne et vous annonce la découverte d’un cadavre… Et toute une machinerie se met en branle. Les stups. Il faut se bouger pour trouver l’affaire sur laquelle on va enquêter, avoir des informateurs, un renseignement concernant un trafic, des dealers… Et là on commence à enquêter sans savoir à l’avance si on va matérialiser l’infraction, saisir de la drogue, arrêter les trafiquants. Que de souvenirs de cette période ! Des dizaines d’interpellations, parfois mouvementées. De très bons souvenirs et quelques drames.
J’ai ensuite goûté à une première expatriation à Beyrouth, trois ans et autant à Ankara. Il s’agissait de représenter l’OCRTIS (Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants) à l’étranger. Travailler sur les trafics en amont, coopérer avec les polices locales, c’est un tout autre boulot. À l’étranger, tout est question de diplomatie. On ne peut rien exiger des collègues locaux comme on le fait dans son pays. Obtenir un renseignement, une assistance, nécessite d’avoir de bons contacts… Une bonne connaissance du pays, des gens, de son administration… Doigté, patience, persévérance… En 2004, je suis rentré en France pour deux ans à Grenoble où j’ai été chef de la section criminelle avant de repartir pour l’étranger. Quatre ans et demi à Kaboul, un travail pas toujours facile, de la coopération technique : travailler à la reconstruction de la police Afghane, organiser des formations, fournir de l’aide logistique (matériel, construction de bâtiments) et puis un travail opérationnel recueillir des informations sur les trafics (et ils sont nombreux), le terrorisme, les enlèvements de français.
En 2010, j’ai quitté Kaboul pour Almaty (Kazakhstan) où je couvrais les pays d’Asie centrale (Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Kazakhstan et Tadjikistan). Nouvelles expériences, nouvelles mentalités.
En 2012, j’ai décidé de prendre ma retraite et de rejoindre ma femme qui travaillait en Palestine comme directrice du Centre culturel français de Naplouse, en Cisjordanie.
C’est toute cette expérience professionnelle qui me permet d’illustrer mes livres.
L’écriture… J’ai coutume de dire que lorsqu’on est flic, en police judiciaire, encore plus comme attaché dans les ambassades, on écrit déjà beaucoup. C’est donc venu presque naturellement. D’abord l’envie de raconter l’Afghanistan. Écrire un témoignage là-dessus m’a permis de comprendre a quel point la vie là-bas était hors norme, les risques, les enjeux. Sur place, le nez dans le guidon, on ne se rend pas compte de tout ce que l’on vit au quotidien. On banalise les choses. Après cela un premier polar niçois, Coke d’Azur puis Une terre pas si sainte qui se déroule en Palestine et La filière afghane.

Ce roman est troublant de réalité. Vous l’avez pourtant terminé en octobre 2014, soit quelques mois avant l’attentat de Charlie Hebdo et ceux qui ont suivi. Comment vous est venue l’inspiration pour écrire La filière afghane?

Déjà avec Charlie Hebdo, et maintenant après les événements du 13 novembre, mon roman colle effectivement tristement à la réalité. Mon expérience du Moyen-Orient et de l’Afghanistan m’ont permis de bâtir mon récit. La montée du fanatisme religieux, même si on en parle assez peu, est aussi une menace qui pèse sur l’Asie Centrale. Le Kazakhstan est régulièrement secoué par des attentats sanglants. Quand j’étais à Kaboul, puis Almaty, j’ai représenté plusieurs fois la France La filière afghanedans des réunions internationales portant sur la lutte contre le terrorisme, ce qui m’a permis d’avoir une assez bonne connaissance des menaces ainsi que des techniques d’endoctrinement. Et puis, même si je ne suis plus flic, j’ai encore de bons contacts dans les Alpes-Maritimes, un département particulièrement touché par les départs de jeunes vers la Syrie. Pour le reste, le résultat : les attentats en France. Mon livre, même s’il apparaît prémonitoire, ne fait qu’exprimer ce à quoi on pouvait s’attendre. Et nous n’en sommes qu’au début.
Dans ce bouquin j’utilise toute mon expérience de l’Afghanistan et de mon métier de flic. Les personnages, les lieux décrits, tout est presque réel. Je décris des attentats dont j’ai été témoin ou sur lesquels j’ai travaillé, des lieux dans lesquels j’ai vécu, travaillé, des personnes que j’ai côtoyé. Il ne s’agit pas d’un livre « documenté » mais vraiment d’un retour d’expérience personnelle et professionnelle.

Alors que cette guerre contre le terrorisme et le fanatisme est plus que jamais d’actualité, vous montrez comment les forces de police française se trouvent désormais liées au terrorisme international et au trafic de drogue. Comment avez-vous abordé ces thèmes ?

Le trafic de drogue est le principal mode de financement du terrorisme à travers le monde… Mais l’État islamique bénéficie d’une énorme source de revenus avec le pétrole qu’il revend, par l’intermédiaire de trafiquants, à la Turquie. Mon livre se focalise sur Al-Qaïda et les relations avec les Talibans. Tout le sud de l’Afghanistan est envahi par la culture du pavot. Et l’exploitation des plantes à drogue est intimement liée à l’importance de la rébellion dans ces zones. Combattre le trafic de drogue, c’est effectivement combattre le terrorisme et les Afghans en sont parfaitement conscients. Nul doute que si les forces de l’Otan arrivent à détruire les installations pétrolières de l’État Islamique, le groupe terroriste se retournera vers d’autres trafics et la drogue en premier lieu.
La filière afghane est avant tout un polar. Sous l’aspect ludique qu’offre la lecture d’une fiction, j’essaye de donner au lecteur quelques clés pour comprendre ce qui se passe dans des régions qu’on connaît mal, la montée du djihadisme en France, ainsi que l’importance de la menace. Gabin, mon héros, est un flic habitué à enquêter sur des trafics locaux. Il découvre tout cela en même temps que le lecteur. Lui et son équipe sont parfois dépassés par des événements auxquels ils ne s’attendaient pas. Même si les thèmes paraissent difficiles, j’essaye que mon livre garde un rythme soutenu pour que le lecteur n’ait pas le temps de s’ennuyer. J’espère que c’est le cas.

Quels sont vos prochains projets d’écriture ?

Je suis en train de terminer une suite à Une terre pas si sainte, un polar qui se passait en Palestine. Cette fois, Gabin et son équipe niçoise seront absents. Je laisse le premier rôle à Maïssa, une flic palestinienne et Guy et Dany, deux policiers israéliens. Ce livre va me permettre de continuer de parler de la Cisjordanie et des relations difficiles entre Juifs et Arabes, tout en essayant comme dans le premier polar de ne jamais prendre partie.

À la lumière de ce qui vient de se passer à Paris, votre roman résonne encore avec plus de force dans l’esprit des lecteurs. Un écrivain devient ainsi le porteur d’une actualité et décrit des faits de société avec une réalité troublante. Est-ce un de vos souhaits de coller ainsi à l’actualité ?

Difficile de répondre vu ce qui vient de se passer, difficile d’avoir raison d’imaginer le pire, mais oui, mon souhait est de coller à la réalité, ou plus exactement de faire réfléchir le lecteur sur celle-ci, de lui donner des clés pour comprendre certaines choses… Mais je ne veux pas non plus me cantonner dans ce genre… J’ai envie d’écrire un livre qui ne soit qu’une aventure fiction quelque chose de moins sérieux… On verra pour la suite.

Propos recueillis par Emmanuel Fleury

Cette interview est parue dans le n°50, du 11 décembre 2015, d’Horizons – Nord-Pas de Calais

 

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