Polar, thriller, roman noir...

Catégorie : Rencontre avec…

Un auteur au service d’un mercenaire : rencontre avec Fabien Cerutti

Fabien Cerutti est l’auteur d’une épopée romanesque mêlant habilement Histoire de France et fantasy. Son héros, Pierre Cordwain de Kosigan, fait désormais partie de la lignées des personnages incontournables de la littérature de l’imaginaire.
 Fabien Cerutti est agrégé d’histoire et enseigne en région parisienne. Il passe une partie de sa jeunesse en Guyane et en Afrique et se passionne très tôt pour les cultures de l’imaginaire et les médias interactifs, dont le jeu de rôle et le jeu vidéo. Inspiré par le Trône de fer qu’il considère comme une œuvre majeure, il commence par inventer des scénarios pour le jeu en ligne Neverwinter Nights se déroulant dans l’univers du Bâtard de Kosigan.
 Rencontre avec l’auteur.
Comment êtes-vous venu à l’écriture ? 
fabien

« Fantasy et histoire ne sont pas si éloignés que cela l’un de l’autre : la fantasy puise une bonne partie de ses références dans le Moyen-Âge réel, notamment en ce qui concerne le bestiaire merveilleux et les tactiques de combat »

Longue histoire… Je connais le plaisir d’écrire depuis l’époque du lycée mais les choses sont devenues sérieuses pour moi il y a une dizaine d’années lorsque j’ai commencé à concevoir des scénarios pour le jeu de rôle informatique Neverwinter Nights. Six aventures réalisées en cinq ans, l’équivalent d’un roman à chaque fois en termes de dialogues et de possibilités à choix multiples. À la suite de quoi plusieurs joueurs qui avaient particulièrement apprécié l’aspect littéraire de la chose m’ont conseillé de me diriger vers la bande dessinée pour faire survivre le héros de cette saga : un chevalier mercenaire bourguignon surnommé le « Bâtard de Kosigan ». Le projet BD a été à deux doigts d’aboutir avec un beau contrat à la clef, malheureusement le dessinateur n’a jamais dessiné… J’ai réalisé que je ne serais sans doute jamais aussi bien servi que par moi-même, j’ai donc pris mon courage à deux mains et me suis lancé. Ce qui en définitive me paraît être pour le mieux puisque le roman permet des développements, une richesse et des subtilités dont la bande dessinée, malgré ses immenses qualités, ne peut que rêver.

Concernant le Bâtard de Kosigan, quelle est votre source d’inspiration? 

c1-batard-de-kosiganJe n’ai pas de source d’inspiration, on parlerait plutôt d’influences multiples. Des auteurs traditionnels de littérature imaginaire comme Roger Zelazny, A.E. Van Vogt, Jack Vance, Philipp José Farmer, Ursula Le Guin, J.R.R Tolkien ou G.R.R. Martin, mais également d’autres plus classiques, comme Alexandre Dumas, Walter Scott, Ian Flemming, Edgard Rice Burrough, Jules Verne et même Borgès pour son jeu constant entre réalité et invention.

Ces deux romans mêlent habilement la fantasy et l’Histoire de France. Comment avez-vous décidé de mélanger des deux genres a priori éloignés l’un de l’autre ? 

D’abord j’ai eu la chance d’avoir un professeur d’histoire du nom de Perceval en classe de cinquième, j’ai suivi sa voie et suis devenu à mon tour professeur agrégé, mais j’adore également les mondes de l’imaginaire depuis qu’un ami m’a fait découvrir les aventures de Tarzan à l’âge de onze ans, un autre le monde des non-aristotéliciens de Van Vogt l’année suivante et qu’en définitive j’ai mis la main sur la série du Seigneur des anneaux.
Selon moi, fantasy et histoire ne sont pas si éloignés que cela l’un de l’autre : la fantasy puise une bonne partie de ses références dans le Moyen-Âge réel, notamment en ce qui concerne le bestiaire merveilleux et les tactiques de combat, en revanche elle a gommé une bonne partie des structures sociales de l’époque et le poids si important de la religion chrétienne. Et puis, si l’on fouille un peu dans les corpus de textes médiévaux on se rend compte que de nombreux seigneurs, papes ou rois, ont produit des lois et des décrets pour réglementer l’usage de la magie ; au Moyen-Âge, la plupart des gens y croyait dur comme fer et l’Inquisition a fonctionné à plein régime durant des siècles…
Je suis parti de ce constat et ai fabriqué un postulat tout simple : et si tout cela avait été vrai ? Et si, à un moment donné, on avait tout simplement éliminé de l’histoire officielle l’ensemble de ce qui pouvait correspondre aux races et aux pouvoirs anciens, faisant passer tout cela au rang de légendes ? Mon idée était née et par extension celle de faire pénétrer la réalité dans ce genre de récits imaginaires.

On retrouve dans ces romans un personnage haut en couleur, rassemblant les caractéristiques d’un espion, d’un aventurier, d’un chevalier, le Bâtard de Kosigan. Comment avez-vous créé ce personnage ?

La réponse rejoint mes sources d’inspiration : de Corwin d’Ambre à c1-batard-2-bd-ok-732x1024Ivanhoë, de Tarzan à James Bond en passant par les personnages de Jack Vance ou de Philipp José Farmer, les héros que j’apprécie sont forts mais surtout malins, intelligents, habiles et pleins d’humour. Je ne suis pas un grand partisan de cette mode qui fait que depuis quelques années un bon héros doit forcément avoir une grosse faiblesse. Dans le cas présent, la plus grande fragilité du Bâtard de Kosigan, c’est son propre pouvoir, qui lui fait prendre parfois des risques inconsidérés et qui lui fait subir des souffrances que le commun des mortels ne pourrait même pas imaginer.

Deux aventures sont enchevêtrées dans ces romans. Celle qui se déroule au XIVe siècle et celle qui débute au XIXe. Ces deux aventures se renvoient continuellement l’une à l’autre. Les avez-vous écrites en même temps ? Pourquoi ne pas avoir écrit un nouveau livre avec celle qui se déroule au XIXe ?

Oui, les histoires se répondent, un peu au début, puis de plus en plus au fur et à mesure des tomes : on suit d’un côté les péripéties et les aventures tumultueuses du chevalier de Kosigan, mercenaire de haute volée au service des plus grandes maisons européennes au XIVe siècle et puis celle de son lointain descendant, cinq siècles plus tard, archéologue et historien en quête de réponses. Il s’agit d’une véritable mise en abîme de l’Histoire qui, à mon sens, enrichit énormément le propos de la série toute entière. Quant à séparer ces deux lignes temporelles dans deux livres différents à chaque fois, je ne pense pas que cela soit pertinent, un peu comme faire un tableau de mer d’un côté, un tableau de soleil de l’autre et expliquer au final qu’on a une oeuvre sur le soleil couchant.

Y a-t-il des auteurs qui vous ont influencé ?

Ah ! On dirait bien que j’ai déjà répondu à cette question… J’ajouterai peut-être Lois Mac Master Bujold et sa saga sur Miles Vorkosigan (puisque le nom de mon héros vient de là). À l’origine, le premier épisode que j’ai réalisé avec celui que l’on surnomme « le Bâtard » le mettait en scène lors de son retour dans son comté natal : plus intelligent que les autres mais mal vu de tous, il devait tirer son épingle du jeu dans un environnement difficile, notamment en jouant sur son charme et son habileté dans ce qu’on pourrait appeler les relations humaines. Dans un style qui peut, par certains côtés, se rapprocher de celui de Miles Vorkosigan.

Quels sont vos projets ? Un troisième tome ?

Oui, c’est en cours depuis un mois et demi maintenant. Le troisième épisode devrait clore une première trilogie, laquelle devrait à son tour (si on me laisse faire) en appeler une seconde. Et pour finir ces deux trilogies seront suivies par un dernier tome unique pour clôturer l’ensemble de la série. Les grandes lignes sont déjà claires pour moi, il ne reste plus qu’à tourner tout cela de façon intéressante et enlevée, malheureusement c’est bien sûr ce qu’il y a de plus compliqué !

Rencontre avec Mallock : le polar droit au cœur

Mallock est le nom de plume de Jean-Denis Bruet-Ferreol, écrivain, musicien, peintre… Mallock est aussi le nom du héros récurrent de ses romans : le commissaire Amédée Mallock.

 
L’année 2014 a été, sans conteste, l’année Mallock avec la parution des Larmes de Pancrace, chez Fleuve noir, et la réédition de ses deux premiers romans chez Pocket : Les visages de dieu et Le massacre des innocents.mallock visages de dieu
Les amateurs de romans policiers bien ficelés ont été comblés. Car la plume de Mallock est bel et bien inimitable. Les intrigues qu’il concocte sont tortueuses à souhait et ne laissent aucun répit au lecteur. Si bien que l’on se retrouve plongé dans ses romans sans avoir la possibilité de refermer le livre avant la fin. Mallock, c’est aussi un style qui fait mouche, précis, net, mais plein de poésie et de cette délicatesse que l’on trouve peu dans les romans policiers. Un roman de Mallock, c’est un peu comme une confiserie délicieusement empoisonnée. Rencontre avec un auteur aussi agréable à lire qu’à rencontrer. 

La nouvelle édition de Massacre des innocents est parue en septembre 2014. Elle suivait la réédition, en mai, de ton premier roman Les visages de dieu, peux-tu revenir sur la genèse de ce roman ?
La nouvelle édition de Massacre des innocents, comme cela a été le cas pour la

Mallock, écrivain, musicien, peintre… créateur de Mallock, commissaire bourru, très attachant, à découvrir.

Mallock, écrivain, musicien, peintre… créateur de Mallock, commissaire bourru, très attachant, à découvrir.

première « Chronique barbare », Les Visages de Dieu, a été pour moi l’occasion de tout un travail de mise à jour du roman. Outre les repentirs et la mise à jour de certains éléments suite à l’écriture des tomes suivants, j’aime à profiter de ces sorties en poche pour faire à mes lecteurs (souvent également des personnes qui le rachètent pour le relire) des surprises. Le grand format est alors très légèrement « raboté » pour lui donner encore plus de pertinence et de rapidité, comme un modèle de voiture de course dont on retravaillerait l’aérodynamisme. Puis je rajoute des scènes qui, soit me sont venues après, soit avaient été mises de côté pour ne pas trop allonger le livre. On est alors assez proche de la « Director’s cut » dont on parle au cinéma. Par exemple et pour être plus clair : dans le Massacre qui sort chez Pocket, il y aura, notamment, toute une série de chapitres concernant une piste non évoquée lors du grand format : « Le Mal des Ardents »!

C’est le deuxième roman de Mallock (aussi bien l’écrivain que le personnage). Avais-tu dans l’idée dès l’écriture des Visages de Dieu d’en faire une série avec le commissaire?
Avais-je tout prémédité ? Oui, votre honneur. Dès le tout premier livre, le concept de chronique barbare préexistait. L’ennéalogie était alors septologie. Le prochain grand format sera le numéro 5, donc le centre de l’oeuvre. Les « Chroniques barbares » forment un tout, une tentative d’écrire une « Comédie (in)humaine » sous le mode policier, décrivant les différentes raisons et facettes que peut prendre le mal chez l’Homme et qui le conduise inéluctablement à la barbarie. Mais, chacun de ces « thrillers baroques » est écrit indépendamment de la série, chaque histoire étant parfaitement autonome, afin de pouvoir être lu dans n’importe quel ordre.

Dès les Visages, le lecteur entre directement dans l’histoire de Mallock : la tragédie de la perte de son fils… As-tu déjà pensé à revenir sur cet événement dans un roman ? Je pense notamment à Indridason qui a écrit un roman sur les débuts de Erlendur Sveinsson, son personnage récurrent, ou encore à Wallander, de Henning Mankell.

En effet, si le temps m’est donné, j’ai prévu, non pas un mais trois livres, une trilogie-préquelle, que j’écrirai à la fin des neuf tomes. Le dernier des trois romans se Mallock massacre innocentsterminant par Mallock revenant des États-Unis et apprenant de la bouche de son supérieur, la mort de Thomas, ce qui raccroche l’ensemble au roman Les visages de Dieu. Donc 12 livres en tout.

Tes premiers romans n’ont jamais été publiés ?
J’ai en effet trois romans terminés que je n’ai pas voulu envoyer aux éditeurs. Trop… « exigeants », ils ne seront éditables que si mon nom en est le garant commercial.

Avant les Visages, j’ai écrit une bonne demi-douzaine de livres, mais je ne les trouvais pas assez aboutis, et c’est bien les Visages qui ont été mon premier envoi aux éditeurs. Cinq éditeurs, trois réponses favorables : j’ai choisi Le Seuil. En 2008, j’ai racheté mes droits. En 2012, Pocket est tombé dessus et m’a fait signé un contrat pour les Visages mais aussi pour le Massacre, parallèlement, je signais avec eux un contrat pour les suivants en grands formats.
Les Visages sont sortis en italien en septembre 2014, puis seront publiés aux États-Unis et en Angleterre en anglais au printemps 2015. J’ai présenté ma « septologie » dont Le cimetière des hirondelles déjà traduit, en juillet dernier à Londres.

Comment es-tu venu à l’écriture ?
Il ne me semble pas y être venu, j’ai l’impression d’y être né. Depuis les tous premiers cours de français à l’école, et les rédactions. À 20 ans, j’avais terminé mon premier roman (détruit, brûlé et mangé depuis). Et je n’ai jamais arrêté. Matin et soir, tous les jours…

Tu peins, tu fais de la musique, tu écris… Comment trouves-tu le temps pour toutes ces activités ?
Je ne peux pas m’en empêcher. C’est une sorte de maladie, ou plutôt, comme dirait Bradbury: « Un remède à la mélancolie ». Si je ne créé pas, je dépéris. Quant au temps qu’il faut dégager, ce n’est pas un problème, on en perd beaucoup devant des écrans futiles. Et puis, la seule chose importante, c’est l’énergie ! Et/ ou la motivation. Ce sont là des moteurs essentiels, bien plus que le talent. Ça, et une petite folie intérieure.

Y a-t-il des auteurs qui t’ont influencé ?
Il me faut préciser que je ne lis plus depuis une bonne vingtaine d’années. « Lire ou écrire, il faut choisir », c’est un problème de temps. Cependant, je peux citer, dans mes influence d’avant, Céline, bien entendu, Lovecraft, Albert Cohen, Bradbury, Jean Ray, Edgar Poe et, dans le genre qui nous intéresse : Thomas Harris.

Comment trouves-tu tes idées ? Et comment les travailles-tu?
Tant que je n’ai pas trouvé une idée, vraiment originale, « l’Idée » pleine de potentiel, passionnante et surprenante, je ne commence pas. C’est une recherche permanente. Une fois trouvée et « maturée » en cave pendant trois à cinq ans, je commence à en tirer un plan général, lui aussi soumis à l’épreuve de la « mise en garde ». Puis vient l’année du plan détaillé et des recherches. Suivie de l’année d’écriture, puis d’un an de relecture (3 versions) pendant laquelle je «hante» le livre, et le charge de tous les maléfices possibles !

 

Mallock, écrivain, musicien, peintre… créateur de Mallock, commissaire bourru, très attachant, à découvrir.

Lionel Davoust, raconteur d’histoires avant tout

Né en 1978, Lionel Davoust est un écrivain polymorphe qui suit des voies impraticables et multiplie les expériences. Après avoir occupé des fonctions éditoriales, il se consacre depuis dix ans à l’écriture. À l’occasion de la parution du tome 3 de Léviathan, j’ai posé quelques questions à Lionel Davoust.

 

Le troisième tome de Léviathan vient de sortir, comment se sont passées ces années d’écriture depuis le 1er tome ?

Dans un travail quasi continu et exclusif sur cette histoire. Pour cette raison, cela a été une expérience très intense ; je vivais avec cette histoire et ces personnages depuis des années, mais là, j’ai réellement partagé leur expérience au quotidien pendant près de trois ans. Il y a eu des moments forcément un peu difficiles, où l’écriture se refusait à moi, mais j’en garde surtout beaucoup de grands souvenirs, quand les fils d’intrigue se rejoignent, quand les révélations avancent, quand les dominos tombent et que les trois protagonistes principaux, Michael, Masha et Andrew luttent pour leur survie et leurs valeurs.  
Aviez-vous déjà en tête d’en faire une trilogie ou est-ce venu lors de l’écriture ?
 Je suis un écrivain structurel, c’est-à-dire que je planifie énormément avant d’écrire. Donc oui, je savais que ce serait une histoire en trois actes dès le début, même si certains détails ont changé en cours de route et que les frontières entre les grands mouvements ont un peu glissé. Néanmoins, j’avais un déroulé des grands évènements du début de La Chute jusqu’à la fin du Pouvoir avant même d’écrire la première scène du premier volume. J’aurais pu écrire l’épilogue du dernier tome en premier s’il avait fallu !

Vous « touchez » à plusieurs genres d’écriture : thriller, SF, fantasy. Comment passez-vous de l’un à l’autre ?
Je ne me pose pas la question. Je n’aime pas les étiquettes  en général, et ces boites étanches que l’on appelle les genres en particulier. Ils charrient tout un tas d’a priori et de fausses conceptions quant à ce qu’il est respectable de lire. Le thriller, ça fait peur. La science-fiction, c’est dans l’espace. La fantasy, c’est pour les gamins… Tout cela est aussi faux qu’absurde. En ce qui me concerne, j’ai seulement envie de raconter certaines histoires, qui ont pour point commun un certain décalage avec l’expérience quotidienne de la réalité, une sorte de faille dans la perception. Quand ce décalage est poussé au maximum, cela donne de la fantasy ou bien de la SF. Quand il est léger, quand on est proche de notre monde, cela donne Léviathan. Mais, pour moi, c’est un continuum.
Comment trouvez-vous l’inspiration ?
Je crois très peu à l’inspiration et beaucoup plus au travail. Je crois que la tache de l’écrivain consiste à aller chercher tout au fond de lui ce qui lui tient sincèrement à cœur dans le monde, et à le mettre en scène, l’interroger, de manière cohérente, esthétique, originale et divertissante. Pour moi, c’est cette honnêteté qui déclenche l’envie d’écrire ; c’est là que réside la fameuse inspiration, elle ne vient pas, elle se traque. Après, tous les moyens sont bons pour y parvenir. En ce qui me concerne, je m’efforce de me sortir la tête régulièrement du milieu littéraire, pour ne pas perdre de vue le « vrai » monde. C’est une des raisons pour lesquelles, au-delà des expériences uniques que cela procure et du désir de me rendre utile, j’essaie de partir tous les ans en volontariat écologique, dans un endroit à chaque fois nouveau, pour  me confronter à la nature.
Comment travaillez-vous à l’élaboration de vos livres ?
 Je vois l’écriture comme un exercice de funambule. Je planifie donc énormément de choses à l’avance, j’ai un plan détaillé, des fiches de personnage, des cartes des lieux (notamment pour les scènes d’action que je chorégraphie en détail), car je suis incapable d’écrire si je ne sais pas où je vais. Mais, une fois dans la rédaction, je prends de la distance avec tout ce matériel pour laisser la bride sur le cou à l’histoire ; ce n’est plus le moment de construire des architectures rigides mais de laisser tout ce petit monde vivre et respirer. Si cela implique que le livre prenne des chemins de traverse, très bien ; cela montre que les personnages ont suffisamment de réalité pour prendre des décisions qui peuvent m’étonner moi-même (et s’avérer souvent meilleures que ce que j’avais prévu !). C’est donc un équilibre constant entre préparation et abandon.
Quels sont vos projets ?
Il s’est récemment passé beaucoup de choses autour de Léviathan : le dernier tome, Le Pouvoir, est sorti tandis que le premier, La Chute, a été réédité en poche chez Points Thriller. Dans le même temps, j’ai codirigé l’anthologie de fantasy du festival Imaginales avec ma camarade Sylvie Miller, Elfes et Assassins, et une nouvelle, « Derrière les barreaux », est parue dans l’anthologie Les coups de cœur des Imaginales. Si tout se passe bien, mon recueil de nouvelles, L’importance de ton regard, devrait ressortir en numérique sous peu, et je vais revenir à Évanegyre, l’univers de fantasy de La Volonté du Dragon, mon premier livre, en 2014. Après, c’est plus flou, cependant, j’aimerais bien continuer à développer l’univers de Léviathan sous une forme ou une autre – mais dans quelques années, quand je serai sûr d’avoir quelque chose de nouveau à offrir !

Propos recueillis par Emmanuel Fleury

(Une première version de cet entretien est parue dans le numéro 26 du 28 juin 2013 de Horizons – Nord-Pas de Calais)

Une trilogie à succès

Léviathan (vol. 1) : La Chute, éditions Don Quichotte, 480 pages, 19,90 euros
La quête d’un biologiste marin traumatisé par un désastre d’enfance et d’une mère de famille initiée à des secrets occultes bannis par les religions de la lumière.
Léviathan (vol. 2) : La Nuit, éditions Don Quichotte, 480 pages, 22 euros.
La descente aux enfers d’un biologiste marin miraculé d’un accident en Antarctique, persécuté par un tueur en série qui s’acharne à détruire sa vie.
Léviathan (vol. 3) : Le Pouvoir, éditions Don Quichotte, 544 pagers, 23 euros.
Quand le thriller se conjugue à la fantasy urbaine. La conclusion épique de la trilogie Léviathan.
De nos jours, les progrès scientifiques ont chassé les vieilles superstitions et l’enchantement, cédant la place à une ère de raison ou même la religion chancelle. Or, dans les profondeurs de l’inconscient, les traditions antiques, les peurs ancestrales, il subsiste une  porte entrouverte sur des prodiges dépassant l’entendement. Ce n’est pas de la magie ; c’est du pouvoir. Rares sont ceux à y accéder. On les a appelés prophètes, sorciers, chamanes au fil des âges. La plupart ont été extermines sur le bucher, mais certains ont concrétisé les rêves les plus fous de l’humanité : richesse, domination. Jeunesse éternelle. Et ils se font la guerre – en riant.
Michael Petersen, biologiste marin, fait les frais de cette guerre. Pris dans une machination dont il ignore les enjeux mais dont il est la clef, il a vu presque tout son entourage périr de mort violente ; pire, il est lui-même la cible d’une chasse à l’homme qui le contraint à vivre en paria. Andrew Leon, l’agent du FBI qui a aidé la famille Petersen a fuir les États-Unis, est devenu lui aussi une proie : l’inquiétant Comité compte sur son outil de cartographie de la conscience humaine pour localiser Michael. Une course contre la montre s’engage, afin de détruire le biologiste avant l’éclosion de son pouvoir, capable d’anéantir l’organisation.
De révélation en rebondissement, le héros de Léviathan perce les voiles de l’illusion qui entourent son existence. Mais il devra d’abord lutter pour sa survie, avec l’aide d’une ombre prédatrice, d’un faux prêtre et d’une vraie mage, jusqu’à l’affrontement décisif.

Rencontre avec Alexis Aubenque

Alexis Aubenque, le polar américain made in France 

Alexis Aubenque publie un nouveau thriller aux éditions du Toucan. Nous avons posé quelques questions à cet auteur qui écrivait de la science-fiction avant de se tourner avec succès dans l’écriture de romans policiers.

 Peu d’auteurs français, placent le déroulement de leurs romans aux États-Unis, chasse gardée de bien des grands écrivains de polars. 
 Toutefois, à l’instar de Maxime Chattam, Alexis Aubenque livre des histoires au suspense plus qu’efficace puisqu’une fois commencée leur lecture est difficile à arrêter. Le tout se déroulant au pays des James Ellroy (Le dahlia noir, L.A. confidential), Thomas Harris (Dragon rouge)… 
Peux-tu nous dire comment tu es venu à l’écriture ?
Par hasard. Je n’avais jamais eu l’ambition d’écrire avant l’âge de 24 ans, je rêvais à la vérité d’être éditeur, mais il se trouve que faisant mon service militaire, je suis tombé dans un endroit où il y avait un ordinateur personnel (à l’époque, 1995, c’était peu courant !), et par simple amusement je me suis mis à écrire le début d’une histoire et, à ma surprise, des lignes et des lignes sont sorties, j’ai adoré ça. Pleins d’idées me venaient, et dès que j’ai eu fini l’armée, j’ai acheté un PC et n’ai plus jamais cessé d’écrire depuis. 
Quel a été ton parcours ?
Après une maîtrise en Sciences économiques, j’étais programmé pour être banquier, mais j’avais le rêve de travailler dans l’édition, et, de fait, après l’armée, j’ai commencé à croire que j’avais un certain talent d’écrivain. Il m’a fallu attendre six ans et huit manuscrits qui dorment encore dans mes placards pour que j’aie enfin la chance d’être publié. C’était un roman de science-fiction « La chute des mondes », puis j’ai continué dans ce genre jusqu’en 2008, avant de me tourner vers le roman policier. 
Ton entourage a-t-il soutenu les débuts de ta carrière d’auteur ? Oui, même si certains avaient des doutes, à partir du moment que je gagnais ma vie d’une autre façon cela ne posait de problème à personne, au contraire. Ma mère était ma première fan, mais est-ce étonnant ? 
Tu as écrit de la science-fiction, maintenant tu écris des romans policiers. Si ces deux genres appartiennent à la littérature qu’on appelle « populaire », passer de l’un à l’autre est peu commun. Surtout si l’on considère le succès de tes romans SF. Comment s’est faite cette transition ?
Personnellement, je suis très éclectique dans mes goûts littéraires, j’aime tout, mais je dois avouer que j’ai un petit faible pour la littérature dite de genres, à savoir la SF, le fantastique et le polar. Ainsi, cela ne m’a posé aucun problème de passer de la SF au polar, tant j’aime les deux genres.
Mais, pour la petite histoire, je suis passé de la SF au polar par simple défi de mon éditrice d’alors qui m’a poussé à écrire un roman policier. Elle était persuadée que j’étais fait pour ça. Je l’ai écoutée et ne le regrette pas.
J’aurais adoré continuer à écrire de la SF en parallèle mais mon éditeur d’alors ne l’a pas entendu de cette oreille et à mis fin à ma série « L’empire des étoiles » quand il a appris que je faisais du polar chez un autre éditeur. 
Vas-tu écrire encore de la SF ?
 Non, pour l’instant aucun projet en vue. Même si je rêve de m’y remettre, mes projets de polars occupent tout mon temps, mais dans quelques années, très certainement. 
Quels sont les auteurs qui t’influencent ou qui te servent de modèle ? 
En SF, Frank Herbert, Dan Simmons et Robert Silverberg. En polar, James Ellroy, Thomas Harris, Robert Crais. 
Comment trouves-tu l’inspiration ?
Je n’en sais rien. C’est la magie de la création. Je pars souvent d’un décors ou d’un fait de société et puis tout se met en place au fil des jours dans ma tête.
Comment travailles-tu sur tes livres ?
Tous les jours, matin et soir. Je passe beaucoup de temps à réfléchir en écoutant la musique, électronique et rock. À faire tourner les idées dans ma tête dans tous les sens, jusqu’à ce que je trouve la bonne disposition. J’écris au préalable un squelette et après je me lance. Je n’aime pas l’idée de faire un plan trop structuré. C’est seulement en écrivant au jour le jour que les meilleurs idées apparaissent. En tout cas, c’est comme ça que je fonctionne. 
Tes romans policiers se déroulent aux États-Unis, pourquoi pas en France ?
Au départ, c’était pour rendre un hommage à la série « Twin Peaks ». J’aimais tellement cet univers que je voulais écrire un polar dans ce genre d’atmosphère, puis les choses allant, j’ai continué ma série, mais j’ai pas mal d’idées de romans policiers se situant en France. Mais il faut que je trouve le temps. Là aussi, c’est comme pour la SF, viendra le bon moment. 
Peux-tu nous présenter ton nouveau roman : Stone island ?
 En quelques mots, Stone island est mon tout dernier bébé, il s’agit toujours d’un roman policier, mais bien plus léger, que les précédents, ne serait-ce que par le lieux où se situe l’intrigue, une île polynésienne. Soleil, plage, bronzette, surfeurs, paillotes, cocktails, sont au rendez-vous.
Je qualifierai ce nouveau roman de comédie romantique policière. Un livre en hommage à la série Magnum, qui n’a qu’un seul but : vous faire passer un bon moment le sourire sur les lèvres…

Propos recueillis par Emmanuel Fleury

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