Polar, thriller, roman noir...

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Aux sans foi errants

Résumé

Aux sans foi errants (dans les rues de nos villes…) tel est le début de la plaidoirie du procureur de Beauvais en 1923 lors du procès de quatre jeunes gens qui ont tué une vieille dame. Pour ce crime sordide, ils risquent la guillotine et sont défendus par l’avocat idéaliste Miremont.
Quelques années après la fin du conflit qui a ravagé la Picardie en faisant des milliers de victimes, Miremont va faire de ce procès celui de la peine de mort.

Mon avis

Pierre Saha propose dans ce roman une nouvelle histoire de Miremont. Historien habile maîtrisant son sujet, Pierre Saha évoque, avec force détails, la vie de ceux qui s’en revinrent de la Première Guerre mondiale, pour se retrouver « étrangers » à leur monde et à ce mode de vie. Si j’ai pris à découvrir cette enquête de Miremont, malheureusement, les descriptions trop nombreuses et les digressions font que l’on s’y perd un peu dans l’histoire. Les qualités du roman de Pierre Saha sont là et méritent que l’on accompagne les personnages de cette histoire jusqu’au bout.

À propos

L’avocat Miremont, ancien combattant de la guerre 14-18, était le personnage principal du précédent roman de Pierre Saha, Les Rois de rien (2014).
Aux sans foi errants est le treizième livre de la collection 14/18, lancée en 2014 dans le cadre du Centenaire de la Première Guerre mondiale par l’éditeur lillois Pôle Nord Éditions. Cette maison d’édition ayant disparu, la collection a été reprise par Gilles Guillon. Deux nouveaux romans historiques paraîtront chaque année. Ils ont toujours pour thème la guerre 14-18 et ses conséquences.

Aux sans foi errants, Pierre Saha, Gilles Guillon éd., collection 14/18,560 pages, 13 € – ISBN : 979-10-92285-77-2 – avril 2019

Les Bracas, de Dylan Pelot

Les Bracas, Dylan Pelot

Résumé

Sacha a deux passions : les séries Z et ses effets spéciaux monstrueux, réalisés dans le garage sur fond de hard-rock, avec sa bande. Ses potes, c’est toute sa vie. Il y a Pilpoil, Zinzin, P’tit Ji, Fox et Taquet. Les inséparables Bracas, connus pour leur imagination fulgurante… telle la météorite qui a jadis fendu le ciel vosgien, au-dessus de leur village. L’hiver sera consacré à leur court-métrage, un film d’horreur qui doit marquer les esprits. Mais bientôt des forces surnaturelles se manifestent et Sacha perd pied : sa maison est visitée en son absence, des objets changent de place, on touche aux toiles de son père décédé… Les regards se tournent alors vers Milo, l’Italien qui vit reclus avec son chien-loup à l’orée des bois.

Mon avis

Touche à tout de génie, Dylan Pelot a signé un roman épique, une sorte de « goonies » français bien réussi. Le style de D. Pelot et l’histoire sont tellement universels, qu’on a tous été, un jour ou l’autre, dans une bande de Bracas, écoutant du hard rock, aimant les films d’horreur et prêts à croire à toute histoire fantastique.
C’est toute une époque aujourd’hui disparue : celle des VHS, des walk-man, les groupes de hard-rock des années 1980, notamment Metallica dont c’était le début de la carrière.
Parfois un peu brouillonne, l’histoire est à l’image de ces ados bouillonnants. Une très belle lecture.

L’auteur

Dylan Pelot était illustrateur, plasticien, musicien et écrivain. Diplômé des Beaux-Arts, il enseignait en qualité de professeur ès monstres à Nancy, où il avait sa résidence artistique. Il a publié de nombreux ouvrages pour la jeunesse, en tant qu’illustrateur et auteur. Pendant plus de dix ans, il s’est consacré à l’étude du cinéma dit « bis ». Les éditions Fluide Glacial ont publié le résultat de ses travaux, Les Grands Succès du cinéma introuvable, un extraordinaire florilège d’affiches de films réinventés.
Foudroyé en janvier 2013 par une attaque cérébrale, Dylan Pelot est décédé à 44 ans, laissant dans les mémoires le souvenir d’un virtuose d’une sensibilité et d’une gentillesse inégalables.

Bragelonne, 380 pages, 20 euros.

La filière afghane, Pierre Pouchairet

Résumé : Alors que la France est la cible d’actes terroristes, Gabin, Marie et leurs La filière afghanecollègues de la PJ enquêtent sur des dealers qui opèrent dans une cité de Nice. Après l’identification d’un réseau structuré et multicarte, les investigations vont remonter jusqu’en Afghanistan. Là-bas, entre le retrait des forces internationales et la succession d’Hamid Karzai, une page est en train de se tourner dans une ambiance délétère. Et c’est dans un climat de suspicion et de corruption généralisée doublé d’une violence aveugle que le flic niçois va découvrir les liens entre trafic de drogue et terrorisme ! De Nice à Kaboul, du Helmand aux Pyrénées s’engage alors, pour Gabin et son équipe, une traque impitoyable pour éviter le pire…

Mon avis : Quand fiction et réalité marchent main dans la main. La filière afghane est un roman, mais en est-on si sûr ?
Pierre Pouchairet n’en est pas à son coup d’essai dans le style de thriller réaliste. On lui doit déjà un polar niçois: Coke d’Azur puis Une terre pas si sainte qui se déroule en Palestine.
Après les attentats de Paris, ce roman donne à réfléchir, mais il ne faut pas oublier que c’est une fiction et un divertissement, et l’auteur réussit à tenir en haleine le lecteur tout au long de l’histoire. Ce roman fait incontestablement partie des romans qu’il faut lire !

La filière afghane, Pierre Pouchairet, Jigal éditions, 272 pages, 18,50 euros

L’expérience du terrain au service de l’écriture. Rencontre avec Pierre Pouchairet

Pierre Pouchairet est un ancien commandant de la Police Nationale qui a bourlingué en Afghanistan et les pays d’Asie Centrale. Il trouve son inspiration pour ses romans dans la géopolitique.
Quel est votre parcours jusqu’à l’écriture ?
Pierre Pouchairet

« C’est toute cette expérience professionnelle qui me permet d’illustrer mes livres. »

Si vous voulez parler de mon parcours professionnel en tant que policier, j’ai commencé comme inspecteur de police en 1981, affecté à la Police judiciaire de Versailles, au groupe criminel. Rien de plus formateur au niveau de la procédure et des techniques d’enquête. Ensuite j’ai continué, toujours en PJ, à Nice, une antenne de Marseille. Cette fois, dans un groupe chargé de la lutte contre le trafic de drogue. J’y suis resté douze ans. Des années particulièrement riches. Le Sud c’est le paradis pour un jeune flic qui a envie de bosser et les Stups c’est tout le contraire de la criminelle. La crime, on attend dans son bureau que le téléphone sonne et vous annonce la découverte d’un cadavre… Et toute une machinerie se met en branle. Les stups. Il faut se bouger pour trouver l’affaire sur laquelle on va enquêter, avoir des informateurs, un renseignement concernant un trafic, des dealers… Et là on commence à enquêter sans savoir à l’avance si on va matérialiser l’infraction, saisir de la drogue, arrêter les trafiquants. Que de souvenirs de cette période ! Des dizaines d’interpellations, parfois mouvementées. De très bons souvenirs et quelques drames.
J’ai ensuite goûté à une première expatriation à Beyrouth, trois ans et autant à Ankara. Il s’agissait de représenter l’OCRTIS (Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants) à l’étranger. Travailler sur les trafics en amont, coopérer avec les polices locales, c’est un tout autre boulot. À l’étranger, tout est question de diplomatie. On ne peut rien exiger des collègues locaux comme on le fait dans son pays. Obtenir un renseignement, une assistance, nécessite d’avoir de bons contacts… Une bonne connaissance du pays, des gens, de son administration… Doigté, patience, persévérance… En 2004, je suis rentré en France pour deux ans à Grenoble où j’ai été chef de la section criminelle avant de repartir pour l’étranger. Quatre ans et demi à Kaboul, un travail pas toujours facile, de la coopération technique : travailler à la reconstruction de la police Afghane, organiser des formations, fournir de l’aide logistique (matériel, construction de bâtiments) et puis un travail opérationnel recueillir des informations sur les trafics (et ils sont nombreux), le terrorisme, les enlèvements de français.
En 2010, j’ai quitté Kaboul pour Almaty (Kazakhstan) où je couvrais les pays d’Asie centrale (Turkménistan, Ouzbékistan, Kirghizstan, Kazakhstan et Tadjikistan). Nouvelles expériences, nouvelles mentalités.
En 2012, j’ai décidé de prendre ma retraite et de rejoindre ma femme qui travaillait en Palestine comme directrice du Centre culturel français de Naplouse, en Cisjordanie.
C’est toute cette expérience professionnelle qui me permet d’illustrer mes livres.
L’écriture… J’ai coutume de dire que lorsqu’on est flic, en police judiciaire, encore plus comme attaché dans les ambassades, on écrit déjà beaucoup. C’est donc venu presque naturellement. D’abord l’envie de raconter l’Afghanistan. Écrire un témoignage là-dessus m’a permis de comprendre a quel point la vie là-bas était hors norme, les risques, les enjeux. Sur place, le nez dans le guidon, on ne se rend pas compte de tout ce que l’on vit au quotidien. On banalise les choses. Après cela un premier polar niçois, Coke d’Azur puis Une terre pas si sainte qui se déroule en Palestine et La filière afghane.

Ce roman est troublant de réalité. Vous l’avez pourtant terminé en octobre 2014, soit quelques mois avant l’attentat de Charlie Hebdo et ceux qui ont suivi. Comment vous est venue l’inspiration pour écrire La filière afghane?

Déjà avec Charlie Hebdo, et maintenant après les événements du 13 novembre, mon roman colle effectivement tristement à la réalité. Mon expérience du Moyen-Orient et de l’Afghanistan m’ont permis de bâtir mon récit. La montée du fanatisme religieux, même si on en parle assez peu, est aussi une menace qui pèse sur l’Asie Centrale. Le Kazakhstan est régulièrement secoué par des attentats sanglants. Quand j’étais à Kaboul, puis Almaty, j’ai représenté plusieurs fois la France La filière afghanedans des réunions internationales portant sur la lutte contre le terrorisme, ce qui m’a permis d’avoir une assez bonne connaissance des menaces ainsi que des techniques d’endoctrinement. Et puis, même si je ne suis plus flic, j’ai encore de bons contacts dans les Alpes-Maritimes, un département particulièrement touché par les départs de jeunes vers la Syrie. Pour le reste, le résultat : les attentats en France. Mon livre, même s’il apparaît prémonitoire, ne fait qu’exprimer ce à quoi on pouvait s’attendre. Et nous n’en sommes qu’au début.
Dans ce bouquin j’utilise toute mon expérience de l’Afghanistan et de mon métier de flic. Les personnages, les lieux décrits, tout est presque réel. Je décris des attentats dont j’ai été témoin ou sur lesquels j’ai travaillé, des lieux dans lesquels j’ai vécu, travaillé, des personnes que j’ai côtoyé. Il ne s’agit pas d’un livre « documenté » mais vraiment d’un retour d’expérience personnelle et professionnelle.

Alors que cette guerre contre le terrorisme et le fanatisme est plus que jamais d’actualité, vous montrez comment les forces de police française se trouvent désormais liées au terrorisme international et au trafic de drogue. Comment avez-vous abordé ces thèmes ?

Le trafic de drogue est le principal mode de financement du terrorisme à travers le monde… Mais l’État islamique bénéficie d’une énorme source de revenus avec le pétrole qu’il revend, par l’intermédiaire de trafiquants, à la Turquie. Mon livre se focalise sur Al-Qaïda et les relations avec les Talibans. Tout le sud de l’Afghanistan est envahi par la culture du pavot. Et l’exploitation des plantes à drogue est intimement liée à l’importance de la rébellion dans ces zones. Combattre le trafic de drogue, c’est effectivement combattre le terrorisme et les Afghans en sont parfaitement conscients. Nul doute que si les forces de l’Otan arrivent à détruire les installations pétrolières de l’État Islamique, le groupe terroriste se retournera vers d’autres trafics et la drogue en premier lieu.
La filière afghane est avant tout un polar. Sous l’aspect ludique qu’offre la lecture d’une fiction, j’essaye de donner au lecteur quelques clés pour comprendre ce qui se passe dans des régions qu’on connaît mal, la montée du djihadisme en France, ainsi que l’importance de la menace. Gabin, mon héros, est un flic habitué à enquêter sur des trafics locaux. Il découvre tout cela en même temps que le lecteur. Lui et son équipe sont parfois dépassés par des événements auxquels ils ne s’attendaient pas. Même si les thèmes paraissent difficiles, j’essaye que mon livre garde un rythme soutenu pour que le lecteur n’ait pas le temps de s’ennuyer. J’espère que c’est le cas.

Quels sont vos prochains projets d’écriture ?

Je suis en train de terminer une suite à Une terre pas si sainte, un polar qui se passait en Palestine. Cette fois, Gabin et son équipe niçoise seront absents. Je laisse le premier rôle à Maïssa, une flic palestinienne et Guy et Dany, deux policiers israéliens. Ce livre va me permettre de continuer de parler de la Cisjordanie et des relations difficiles entre Juifs et Arabes, tout en essayant comme dans le premier polar de ne jamais prendre partie.

À la lumière de ce qui vient de se passer à Paris, votre roman résonne encore avec plus de force dans l’esprit des lecteurs. Un écrivain devient ainsi le porteur d’une actualité et décrit des faits de société avec une réalité troublante. Est-ce un de vos souhaits de coller ainsi à l’actualité ?

Difficile de répondre vu ce qui vient de se passer, difficile d’avoir raison d’imaginer le pire, mais oui, mon souhait est de coller à la réalité, ou plus exactement de faire réfléchir le lecteur sur celle-ci, de lui donner des clés pour comprendre certaines choses… Mais je ne veux pas non plus me cantonner dans ce genre… J’ai envie d’écrire un livre qui ne soit qu’une aventure fiction quelque chose de moins sérieux… On verra pour la suite.

Propos recueillis par Emmanuel Fleury

Cette interview est parue dans le n°50, du 11 décembre 2015, d’Horizons – Nord-Pas de Calais

 

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