Merci à Thierry Crouzet et à Manon, des éditions Bragelonne, de m’avoir permis de faire cette interview.
Écrire Résistants s’est-il révélé difficile dans la mesure où vous mêlez roman, science, médecine, économie ?
J’ai dû devenir un peu microbiologiste en même temps que spécialiste de la santé publique pour écrire ce roman. C’est au début que c’est difficile, un peu comme quand on s’attaque à une montagne, puis peu à peu on trouve le rythme, on arrive à connecter les nouvelles informations avec les plus anciennes. Le plus dur, c’est de se lancer. J’ai retardé le moment pendant plus d’un an.
N’a-t-il pas été difficile d’associer l’écriture romanesque à l’aspect scientifique ?
J’ai toujours aimé les romans initiatiques et philosophiques. Proust, Musil, Broch nous ont donné le droit d’écrire des romans qui étaient en même temps des essais. J’aime casser les frontières entre les genres, et les textes qui ne le font pas m’ennuient en général. Donc, cet aspect de Résistants n’a pas été difficile, au contraire, c’est ce qui me motive quand j’écris.
Le professeur Didier Piret, qui signe l’avant-propos, dit avoir été surpris que vous lui proposiez un roman pour «frapper les consciences». Pourquoi avez-vous fait ce choix du roman ?
Depuis des années, tout le monde sait que «Les antibiotiques c’est pas automatique», tout le monde sait qu’il y a un problème. Les spécialistes ont écrit de très bons essais de sensibilisation, et, en même temps à chacun de leur congrès, ils prennent de plus en plus peur, parce que les choses ne changent pas, voire empirent.
C’est pour cette raison que Didier Piret m’a demandé d’écrire un livre pour faire bouger les choses. Il pensait que j’allais lui revenir avec un récit comme Le geste qui sauve, où je raconte son invention du gel hydroalcoolique pour se désinfecter les mains, un livre qui a été traduit en vingt langues, mais qui n’a pas beaucoup été lu en dehors du monde médical. Pour les antibiotiques, il fallait toucher tout le monde. Un essai de plus n’aurait servi à rien. Comme aujourd’hui le thriller est la forme la plus lue, je me suis dit que je devais utiliser ce véhicule, d’autant que j’avais déjà publié un thriller en 2013, La quatrième théorie. Et puis un auteur comme Michael Crichton a ouvert depuis longtemps la voie du thriller médical. J’avais juste pour mission de cacher beaucoup de science dans une histoire la plus captivante possible. Ça, c’était un bon défi.
Dans Résistants, vous faites passer des informations de manière «indolore» et «divertissante». Pensez-vous que cela peut avoir plus d’impact sur les consciences qu’un discours purement scientifique ?
Être informé ne suffit pas à nous faire changer de comportement. Nous le voyons avec le réchauffement climatique. Il faut souvent être confronté en direct à un problème pour finir par en prendre conscience et adapter son comportement.
Quand nous lisons un roman, notre cerveau simule ce qui se passerait si nous vivions ce que nous lisons. Donc, un roman peut dans une certaine mesure remplacer une expérience réelle. Et c’est d’ailleurs pour cela que nous aimons les romans, ils nous donnent à vivre d’autres vies. Alors oui, un roman peut nous toucher en profondeur, bien plus profondément que de simples informations.
Avez-vous déjà eu des retombées positives à la suite de la parution de votre roman ?
Des lecteurs m’ont dit qu’ils étaient devenus végétariens, d’autres qu’ils avaient refusé des traitements antibiotiques parce que de toute évidence ils n’étaient pas judicieux dans leur cas. Je crois que si nous sommes tous conscients du problème, nous réussirons à le régler.
Avez-vous d’autres projets de ce genre ? Une suite peut-être ?
J’ai besoin de prendre mes distances avec le monde médical, j’aime souvent changer de domaine. En ce moment, je retravaille One Minute, un roman initialement publié en feuilleton qui se joue à la frontière du thriller et de la SF, bourré de science, de philo, de techno… Donc, je change de sujet, mais pas vraiment de méthode.
Résumé : Les passagers d’un yacht sont soudain terrassés par une superbactérie, résistante aux antibiotiques. Sauf Katelyn, une étudiante. Pourquoi est-elle la seule survivante ?
Recrutée par l’Anti-bioterrorism Center, elle est chargée de retrouver l’infecteur, quitte à entrer dans son intimité. Mais l’homme qu’elle pourchasse éveille en elle des sentiments contradictoires. Il ne tue peut-être pas aveuglément…
L’auteur
Thierry Crouzet est l’auteur de J’ai débranché, récit d’une renaissance après une overdose d’internet (Fayard, 2012), de La Quatrième Théorie (Fayard, 2013), un thriller écrit sur Twitter, et du Geste qui sauve, un récit scientifique traduit en 15 langues qui a convaincu des centaines de milliers de personnes dans le monde de la nécessité vitale de l’hygiène des mains.
Résistants, Bragelonne Thriller, 16,90€, 384 pages,