Polar, thriller, roman noir...

Année : 2020

Une succession faite de bois dur

Résumé

En Afrique centrale, dans la région des Grands Lacs, mercenaires, barbouzes, fonctionnaires occidentaux corrompus et chefs de guerre cupides s’en donnent à cœur joie, détruisant impitoyablement un pays et ses habitants. Les hommes droits, comme Egbéblé, chef de village qui veut venger sa fille, ou Pelletier, ingénieur agronome qui fourre son nez où il ne faut pas, ne sont que des pions sacrifiés sur l’autel du pouvoir et de l’argent. Même les exploiteurs et les comploteurs minables, manipulés par plus puissants qu’eux, ne sortiront pas indemnes du cœur des ténèbres, et le lecteur assiste, impuissant et révolté, au délitement de l’âme et du monde.

Mon avis

Succession est le deuxième roman de Patrick Cargnelutti ; difficile de succéder à Peace and death qui était un très bon roman noir policier.

Dans ce nouveau roman, il est question de l’exploitation (parfois illégale) du bois dans une dictature imaginaire d’Afrique. Il est aussi question, de la France-Afrique, des rapports entre politique et économie, de toutes les formes de successions possibles: prendre la place de son père à la tête d’une entreprise, prendre la place de l’ancien président de la République, destituer un dictateur pour prendre sa place, prendre la place de son père pour assouvir sa vengeance…
Patrick Cargnelutti tisse, avec ironie et humour, une toile très dense d’intrigues reliées les unes aux autres en une histoire commune.
Succession entraîne le lecteur au cœur de l’Afrique, dans ces forêts denses et impénétrables où toutes les magouilles sont possibles.
Réaliste jusque dans ses plus petits détails, Succession est bien plus qu’un simple roman, c’est un plaidoyer pour l’Afrique, la nature, la planète.

L’auteur

Patrick Cargnelutti vit à Carhaix (29). Passionné de musique, de littérature et de peinture, il s’intéresse la politique et à l’écologie. Ancien infirmier en psychiatrie, après de nombreux engagements associatifs, il co-fonde en 2013 le webzine littéraire Quatre Sans Quatre et crée l’émission de radio « Des polars et des notes ». Auteur de Peace and Death (Jigal Polar, 2017), il est lauréat du prix Dora-Suarez de la nouvelle 2017 pour « Amin » (Enfantillages, AO).

Succession, Patrick Cargnelutti, Piranha noir, 368 pages, 20,90€

Aux sans foi errants

Résumé

Aux sans foi errants (dans les rues de nos villes…) tel est le début de la plaidoirie du procureur de Beauvais en 1923 lors du procès de quatre jeunes gens qui ont tué une vieille dame. Pour ce crime sordide, ils risquent la guillotine et sont défendus par l’avocat idéaliste Miremont.
Quelques années après la fin du conflit qui a ravagé la Picardie en faisant des milliers de victimes, Miremont va faire de ce procès celui de la peine de mort.

Mon avis

Pierre Saha propose dans ce roman une nouvelle histoire de Miremont. Historien habile maîtrisant son sujet, Pierre Saha évoque, avec force détails, la vie de ceux qui s’en revinrent de la Première Guerre mondiale, pour se retrouver « étrangers » à leur monde et à ce mode de vie. Si j’ai pris à découvrir cette enquête de Miremont, malheureusement, les descriptions trop nombreuses et les digressions font que l’on s’y perd un peu dans l’histoire. Les qualités du roman de Pierre Saha sont là et méritent que l’on accompagne les personnages de cette histoire jusqu’au bout.

À propos

L’avocat Miremont, ancien combattant de la guerre 14-18, était le personnage principal du précédent roman de Pierre Saha, Les Rois de rien (2014).
Aux sans foi errants est le treizième livre de la collection 14/18, lancée en 2014 dans le cadre du Centenaire de la Première Guerre mondiale par l’éditeur lillois Pôle Nord Éditions. Cette maison d’édition ayant disparu, la collection a été reprise par Gilles Guillon. Deux nouveaux romans historiques paraîtront chaque année. Ils ont toujours pour thème la guerre 14-18 et ses conséquences.

Aux sans foi errants, Pierre Saha, Gilles Guillon éd., collection 14/18,560 pages, 13 € – ISBN : 979-10-92285-77-2 – avril 2019

Les naufragés du tepuy

Résumé

Venezuela. Une jeune femme se réveille au milieu de la jungle, seule, amnésique, blessée, reliée à un parachute. Autour d’elle, à perte de vue, la végétation… et le grésillement d’un talkie-walkie. Très vite, la jeune femme comprend qu’elle n’est pas aussi seule qu’elle le croyait : de drôle de prédateurs rôdent au cœur de la jungle, des miliciens armés jusqu’aux dents, et déterminés à déterrer des secrets depuis longtemps oubliés…
À quelques milliers de kilomètres de là, en Floride, le détective privé Clinton Fisher est embauché par le propriétaire d’un aérodrome pour retrouver un avion volé. Son enquête le mènera bien plus loin qu’il ne l’imagine, jusque dans les méandres des multinationales pharmaceutiques…

Mon avis

Pour son troisième roman, François Baranger n’a pas choisi la voie la plus facile : le thriller d’aventure. Très vite, l’action est au rendez-vous, et le lecteur a à peine le temps de suivre l’héroïne reprendre ses esprits que la tension devient palpable.

Les personnages oscillent entre la survie et la quête qu’ils avaient en tête en arrivant sur ce tepuy. Les difficultés de l’aventure font vite tomber les masques, et les camps se forment alors pour savoir qui ira le plus vite, qui obtiendra ce pour quoi il est là.

Il y a deux parties dans cette aventure : celle qui se déroule sur le tepuy et celle qui se passe aux États-Unis, où et les affaires et la politique prennent le dessus sur la recherche scientifique.

Ce roman m’a parfois fait penser à certains récits de Lovecraft et aussi à Alien. Partout dans l’histoire, on ressent le sens du détail, la précision dans les décors et les personnages. Même en le sachant par avance pour avoir déjà vu ses œuvres, j’ai bien ressenti que François Baranger est aussi illustrateur. C’est d’ailleurs lui qui a réalisé la couverture du roman. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. Et il a fait mouche avec cette couverture aussi.

Tepuy est un formidable thriller d’aventure qui maintient le suspense du début à la fin, en flirtant avec la science-fiction.

L’auteur

François Baranger est illustrateur et romancier. On lui doit notamment Dominium Mundi I et II, nommé pour plusieurs prix (éd. Critic), L’effet domino (Bragelonne), nommé pour le Prix du polar historique de Montmorillon. Il a dessiné pour la série Freaks agency. Il a été concept-artist pour Christophe Ganz, Joann Sfar ou encore Alain Chabat.

En 2017, François Baranger revient à l’illustration avec une version illustrée de la nouvelle L’Appel de Chtulhu (Bragelonne), de H.P. Lovecraft, et en 2019, il publie Les montagnes hallucinées (Bragelonne), du même auteur.

Tepuy, François Baranger, éd. Critic, 458p., 20€

Tu entreras dans le silence

 

Résumé

Avril 1916. Les 11000 hommes de la première Brigade russe débarquent à Marseille où ils seront acclamés avant d’être envoyés sur le front de Champagne et le Chemin des Dames. Kolya, l’anarchiste amoureux de la France, Slava, le meurtrier d’un bourgeois moscovite, Iouri, obsédé par une étrange vengeance, et Rotislav, qui lui n’avait rien demandé, y partagent souffrances, angoisses et espoirs. C’est là que leur parviennent les premiers échos de la révolution russe. S’ensuivent les premières mutineries et la déportation des fauteurs de troubles au camp de la Courtine dans la Creuse.

Kolya ne rêve que de filer vers Marseille pour rejoindre la Révolution à Moscou en y entraînant ses frères de combat. Y parviendra-t-il ? Quels impacts laisseront ces années laminées par la barbarie d’une guerre et l’utopie d’une révolution sur ces amis ?

Mon avis

Dans ce roman, Maurice Gouiran s’attache à un pan de notre histoire peu connu : l’arrivée des soldats russes pendant la guerre, en 1916.
Bien sûr, il est question de la Première Guerre mondiale, des horreurs du front, de l’engagement de soldats, d’individus, dans une guerre qui n’est pas la leur.
Roman noir historique, Tu entreras dans le silence dresse le portrait de ces Russes rattrapés par l’Histoire. Loin de leur pays, il assistent impuissant à la Révolution bolchévique.
On suit Kolya et ses compagnons depuis leur départ de la Russie tsariste jusqu’à leur arrivée en France, leurs combats, leur résistance et leur retour au pays. Il y a du Dostoïeski dans ces personnages ; du tragique « à la russe ».

Maurice Gouiran excelle ici aussi, comme il le fait dans la série des Clovis Narigou. L’auteur, comme à son habitude, n’hésite par à intégrer à son roman une vision critique de l’époque dans laquelle se déroule l’action.
Indispensable à lire, Tu entreras dans le silence est bien plus qu’un roman noir, il donne à réfléchir sur le passé et sur notre époque, sur l’engagement, la liberté individuelle.

Tu entreras dans le silence, Maurice Gouiran, Jigal Polar, 296 pages, 19 €

L’art du meurtre, Chrystel Duchamp

Résumé de l’éditeur

Quatre victimes. Et aucun coupable.
Des relations amoureuses sans lendemain. Une mère possessive et intrusive. Des nuits entières à errer. La vie d’Audrey, 34 ans, pourrait se résumer à une succession d’échecs. Seul son métier de lieutenant à la PJ lui permet de garder la tête hors de l’eau.
En ce jour caniculaire de juillet, Audrey et son équipe sont appelés sur une scène de crime. Le corps de Franck Tardy, avocat à la retraite, est retrouvé dans son luxueux appartement du XVIe arrondissement. Son corps a été torturé, mutilé, partiellement écorché, puis mis en scène sur une table dressée pour un banquet. Pour compléter cette vanité, un crâne humain lui fait face : celui de sa défunte épouse, dont la tombe a été profanée quelques jours auparavant.
Audrey et son équipe découvrent rapidement que l’homme est un habitué des clubs sadomasochistes parisiens et que, richissime, il a dépensé sa fortune en achetant des œuvres d’art. Au point de finir ruiné.
Quand un deuxième meurtre est commis dans des conditions similaires, Audrey sait qu’elle fait face à un psychopathe. À elle de plonger dans les milieux interlopes parisiens, des maisons de vente aux clubs SM, pour débusquer ce tueur, dont les méthodes extrêmes n’ont d’égale que son appétit meurtrier.

 
Mon avis

L’art du meurtre, c’est l’enfance de l’art pour Chrystel Duchamp. En un roman, elle livre un thriller de haut vol. Addictif, L’art du meurtre, se lit d’une traite. Comme une exposition que l’on visiterait, on se laisse guider par l’auteur du début à la fin et on contemple divers tableaux, tous plus effrayants les uns que les autres.

Les personnages sont bien campés et paraissent être déjà des vieux routiers des enquêtes policières. Jusqu’à la fin, à laquelle on ne s’attend pas, Chrystel Duchamp tient le lecteur en haleine sans lui laisser le temps de souffler. Une lecture qui se fait au même rythme que l’enquête: à toute vitesse.

Un gros coup de cœur pour le début de l’année 2020. Dans le genre terrible et efficace, ça va être difficile de trouver mieux.

L’auteur : Née en 1985, Chrystel Duchamp se passionne très tôt pour la littérature de genre, notamment le fantastique et la série noire. Elle et son conjoint, Éric Barge, montent la maison d’édition Le Miroir aux Nouvelles, où ils publient plusieurs romans illustrés de Chrystel : La Boîte aux objets perdus (2013), 47°9’S – 126°43’W (2014), La Vallée dérangeante (2015). Son dernier roman, À l’ombre des sureaux, a paru en 2018. Elle habite près de Saint-Étienne.

 

Merci à Mylène des éditions de L’Archipel pour ce service de presse.

L’art du meurtre, Chrystel Duchamp, col. « Suspense », L’Archipel, 272 pages, 19€

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